Set-Jetting: Comment le cinéma inspire nos voyages
Quand les séries dictent nos itinéraires : derrière les décors de rêve, une économie bien réelle… et des effets moins glamour.
- Le cinétourisme transforme séries et films en aimants touristiques, boostant l’économie locale (ex. Occitanie).
- Risques majeurs : surtourisme, pression écologique et Disneyfication qui dénaturent les lieux.
- Solutions pratiques : quotas, itinéraires alternatifs et mobilité douce pour préserver sites et communautés.
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Set-jetting : comment l’écran devient une boussole de voyage
Le phénomène a désormais un nom : set-jetting. D’un épisode binge-watché à une story Instagram, la tentation est grande de troquer le canapé contre un billet d’avion pour “vivre” un décor vu à l’écran. Les exemples se multiplient : The White Lotus a braqué les projecteurs sur Taormine en Sicile, Bridgerton a remis en lumière des palais et demeures anglaises, Wednesday a attiré les curieux en Roumanie, tandis que des K-dramas incitent à explorer des coins d’Europe inattendus. L’onde de choc est instantanée : diffusion, repérage sur les réseaux, réservations… et embouteillage sur le terrain.
Occitanie, laboratoire français du cinétourisme
Pari assumé pour la région : miser sur les tournages pour nourrir l’économie locale — et ça marche. Avec plus de 2 800 jours de tournages par an, environ 80 films produits chaque année et Occitanie Films comme agence dédiée, l’Occitanie caracole en tête : première région de France pour l’accueil des fictions audiovisuelles et deuxième pour les tournages de films. À la clé, des retombées évaluées à 90 M€ (2022) et un cap fixé à 5 000 emplois d’ici 2028, soutenus par 80 M€ investis entre 2023 et 2028.

À Sète, l’effet écran est tangible : un touriste sur cinq vient après avoir suivi Demain nous appartient. Partout en région, les offices et guides convertissent la curiosité en expériences : Cinétour à Sète (à pied ou en bateau), visites de Montpellier par une costumière d’Un si grand soleil, circuit 2 h à Palavas-les-Flots, ciné-balade à Collioure sur les traces du Petit Baigneur, itinéraire “La cité star de cinéma” à Carcassonne… Même des décors récents deviennent des aimants, comme la paillote de Panda à Gruissan ou le château d’Aubiry à Céret associé au Comte de Monte-Cristo.
“Le cinétourisme transforme la visibilité de l’Occitanie à l’écran en engouement pour nos territoires”, résume Vincent Garel, président du Comité régional du tourisme au journal L’Indépendant. Le CNC confirme la lame de fond : 65 % des touristes français déclarent que films et séries leur ont donné envie de visiter la région où ils ont été tournés.
Royaume-Uni : quand le soft power devient produit d’appel

Au Royaume-Uni, l’intuition s’est muée en stratégie. Highclere Castle, demeure de Downton Abbey, vend l’entrée autour de 30 £ et aligne les événements (expositions, ventes aux enchères de costumes à Londres) pour nourrir l’imaginaire. Surtout, l’office national a enclenché la vitesse supérieure avec “Starring GREAT Britain” (janvier 2025) : une campagne qui capitalise sur Harry Potter, Mission: Impossible, Bridget Jones, Paddington ou Succession pour attirer des visiteurs… et leurs dépenses.
L’intérêt est massif : d’après une enquête internationale (60 000 répondants, 20 pays), 82 % des Français se disent tentés par la visite de lieux de tournage au Royaume-Uni ; le pourcentage grimpe à 98 % chez les Sud-Africains, 96 % au Mexique et en Chine, 95 % au Brésil. Les infrastructures suivent, à l’image du Game of Thrones Studio Tour près de Belfast, ouvert depuis 2022.
Au-delà du marketing, c’est une démonstration de soft power : pour 1 visiteur sur 6, l’imaginaire ciné-séries représente une raison à part entière de voyager au Royaume-Uni. Et la dynamique est générationnelle : 22 % des 18-34 ans citent le tourisme cinématographique comme motif principal du voyage (contre 18 % des 35-54 ans et 14 % des 55+).
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La face cachée : saturation, écologie, “mise en scène” des villes
Derrière les images léchées, quelques revers.
- Surtourisme : des villages comme Hallstatt (Autriche) ont vu déferler des milliers de visiteurs par jour pour 800 habitants à peine, avec nuisances bien réelles (bruit, déchets, congestion).
- Pression écologique : en Thaïlande, la baie de Maya Bay — star de cinéma — a dû fermetures, régénération, puis réouverture avec jauges et règles strictes pour protéger l’écosystème.
- Disneyfication : quand tout devient “spot”, on aligne les files, les “tuk-tuks pour la photo”, les bistros surbookés… et on s’éloigne de la vie locale.
En France, les destinations affinent leurs réponses : limitation des croisiéristes dans certaines villes, chartes de bon usage, calibrage fin des flux à la haute saison. Le défi, c’est d’orchestrer la fréquentation sans dénaturer ce qui rend l’endroit désirable.
Comment canaliser l’engouement sans casser l’expérience
Côté destinations
- Quantifier et lisser : mettre en place réservations horaires et quotas sur les spots fragiles ; désaisonnaliser via des événements hors-pointe.
- Dévier (avec panache) : proposer des itinéraires alternatifs à 15-20 minutes du décor star, raconter d’autres histoires (artisanat, gastronomie, patrimoine vivant).
- Relier sans polluer : privilégier train, navettes, vélo ; conditionner certains avantages (réductions, billets couplés) à une mobilité douce.
- Co-créer avec la filière image : agences films, studios, producteurs et guides — pour un récit commun et des retombées mieux réparties.
Côté offices & opérateurs
- Produits signés et encadrés : ciné-balades, visites “costumes & coulisses”, circuits en petits groupes.
- Pédagogie : messages clairs sur le respect des lieux habités, rappel des règles (photos, drones, nuisances).
- Indicateurs : suivre l’occupation et la capacité de charge des sites ; ajuster en temps réel.
Devenir un cinétouriste responsable (check-list)
- Choisir le moment : si possible, partir hors week-end et hors vacances ; viser le matin tôt ou la fin d’après-midi.
- Respecter l’intime : certains décors sont… des maisons. Pas de franchissement de portail, ni de photos intrusives.
- Privilégier les mobilités douces : train + marche/vélo ; sur place, bus ou navettes plutôt que voiture individuelle.
- Soutenir le local : guides agréés, restos de quartier, artisanat plutôt que boutiques de souvenirs standardisées.
- Éviter la copie “dangereuse” : ne pas reproduire de cascades, scènes risquées ou comportements irrespectueux.
- Explorer à côté : un spot alternatif proche offre souvent la même atmosphère, sans la foule — et c’est tout aussi “instagrammable”.
Conclusion
Le tourisme cinématographique est un accélérateur culturel et économique : l’Occitanie l’illustre avec brio, le Royaume-Uni en a fait une stratégie nationale. Mais comme toute vague, il faut savoir la surfer : calibrer les flux, protéger les milieux, raconter une histoire qui profite aux habitants autant qu’aux visiteurs. À ce prix, l’envers du décor restera aussi séduisant que la scène culte qui nous a donné envie de partir.
Sources
Euronews (21/09/2025) : https://fr.euronews.com/voyages/2025/09/21/the-white-lotus-bridgerton-k-dramas-comment-le-tourisme-cinematographique-met-a-rude-epreu
L’Indépendant (08/09/2025) : https://www.lindependant.fr/2025/09/08/tourisme-cinematographique-en-occitanie-les-spectateurs-transformes-en-voyageurs-12917288.php
Les Échos (23/08/2025) : https://www.lesechos.fr/industrie-services/tourisme-transport/downton-abbey-au-royaume-uni-le-cinema-devient-un-argument-touristique-2182491
MisterTravel (29/01/2025) : https://mistertravel.news/2025/01/29/visitbritain-mise-sur-le-tourisme-cinematographique/